Pourquoi et comment les émotions sont au centre de la psychothérapie psychocorporelle ?

Les émotions sont au centre de notre psychisme

Les émotions sont des processus corporels (physiologiques, physiques) et psychologiques centraux. Elles déterminent notre manière de percevoir les événements et d’y réagir.

Les émotions sont présentes dès notre naissance, et elles se développent suivant notre maturation biologique et les expériences de la vie.

Les mécanismes psychologiques liés aux émotions s’inscrivent dans le corps

Très tôt dans notre vie, certaines émotions s’avèrent ingérables parce qu’elles sont trop intenses, parce que nous ne nous sentons pas pris en compte par nos parents dont nous dépendons, ou parce que nous nous sentons dans une situation de danger. D’autres émotions encore deviennent inacceptables pour notre psychisme parce qu’elles sont interdites par nos parents.

Pour nous adapter à ces situations difficiles, nous retenons les impulsions et les mouvements de notre corps qui sont en lien avec ces émotions. Nous nous coupons du ressenti de ces émotions en nous dissociant de celui-ci ou en le refoulant. Cela s’opère par le blocage de notre respiration et par la contraction des muscles qui sont en lien avec ces émotions refoulées. Lorsque ces situations se répètent ou perdurent, les crispations deviennent chroniques. Il se peut même que nous ne les sentions plus.

Il arrive que le vécu émotionnel soit également traumatique en raison des graves menaces et/ou dangers intenses présents dans la situation qui est vécue. Dans ce cas, la mise à distance du vécu émotionnel est soutenue par des mécanismes de dissociation orchestrés au sein de notre cerveau : les éléments pénibles, dangereux et inintégrables sont identifiés comme tels et traités séparément des autres aspects de la vie. Ils donnent ainsi lieu à une sensibilité particulière qui peut déclencher de manière inconsciente, indépendante et extrêmement rapide des réactions vécues comme perturbatrices chaque fois qu’un élément en lien avec ceux-ci apparaît dans notre vie.
Lorsque nous sommes en difficulté, nous avons l’impression de ne pas avoir de contrôle sur nos réactions et nos émotions. Celles-ci se produisent avant même que les informations relatives à la situation soient traitées par notre cerveau « rationnel » (le cortex supérieur ou néocortex). De plus, dans le cas des situations traumatiques événement ne peut plus être analysé normalement par le cortex supérieur : celui-ci est mis hors circuit par le système émotionnel (plus précisément par l’amygdale). En effet la partie du cerveau qu’on appelle cerveau émotionnel déclenche une réaction de sauvegarde, comme lorsqu’un disjoncteur coupe le courant quand il y a sur-tension électrique.

En nous coupant de nos émotions, nous perdons le contact avec qui nous sommes

Tous ces mécanismes qui visent à nous protéger, à nous défendre, ont pour effet de nous faire perdre le contact avec qui nous sommes. Les indices de notre vie émotionnelle sont détournés, transformés. Notre manière de percevoir les événements de la vie et d’y réagir en est profondément affectée. Nous devenons étranger à la personne ou l’enfant que nous avons été, à nos aspirations. Nous perdons de la liberté dans nos choix. La régulation de nos états de tension et de nos émotions est également perturbée.

Apprivoiser les sensations corporelles liées aux émotions permet d’y avoir accès avec moins de jugements et nous donne une possibilité de les réguler et de les transformer. Dès que nous accueillons dans notre conscience une sensation sans la juger et que nous acceptons de respirer en pleine conscience, la sensation va évoluer, se métaboliser. Du coup, le paysage émotionnel va se transformer. L’émotion peut soit devenir plus légère, mieux se préciser ou laisser place à une autre sensation/ressenti émotionnel. Le regard sur notre état intérieur s’est transformé, et ce changement peut amener également une transformation de notre regard sur la situation problématique.

La facilité avec laquelle ces transformations émotionnelles pourront s’opérer dépendra de la complexité et de la difficulté de l’histoire de vie de chacun. Dans certains cas, notamment dans un contexte de traumas dans l’enfance ou d’état de stress post-traumatique sévère, il faudra être davantage patient, respectueux et bienveillant  par rapport à « ce qui est », ne pas se juger du fait de devoir être à l’écoute en conscience de nos sensations et de nos limites. Cela nous amène à accueillir de part et d’autre (thérapeute et personne en thérapie) le vécu présent avec humilité.