La thérapie de couple en analyse bioénergétique

expliquée par Claudia Ucros

Parlez-nous de votre formation :

Je suis licenciée en psychologie, diplômée de l’Université Catholique de Louvain (1986).
J’ai approfondi ma formation par différentes techniques corporelles de bien-être (entre autres eutonie, yoga, méditation, travail de la voix, do-in, massage au sol et relaxation coréenne), et par des approches psycho-corporelles de la psychothérapie (Analyse bioénergétique, y compris pour la thérapie de couple, Somatic Experiencing, Somatic traumatology et haptonomie).

Quel est votre parcours professionnel ?

J’ai commencé à travailler aux Etats-Unis dans le secteur universitaire et ensuite dans le secteur de la santé mentale. De retour en Belgique en 1990, j’ai participé à des recherches appliquées dans le secteur de la santé jusqu’en 1994. Ensuite je me suis à nouveau consacrée à la relation d’aide comme psychologue clinicienne et psychothérapeute. J’ai, entre autres, fait partie du Stressteam de la Police fédérale pendant 10 ans.

Et actuellement que faites-vous ?

Je pratique la psychothérapie à Namur et à Bruxelles. J’intègre les différentes approches auxquelles je me suis formée dans le modèle de base de l’Analyse bioénergétique).
Je suis administratrice de l‘asbl l’Espace en Nous. Le but de cette asbl est de promouvoir l’approche corporelle dans l’évolution personnelle, que ce soit par les techniques de bien-être (massage, relaxation coréenne), les psychothérapies psycho-corporelles ou les formations en lien avec cette approche.

Je suis superviseuse de praticiens de la relation d’aide (psychothérapeutes, masseurs, médecins, …) et formatrice. Je participe pour l’approche cpyscho-corporelle notamment dans la formation en psycho-traumatologie organisée par le Bipe, l’Institut belge de psycho-traumatologie et l’EMDR et au Centre Interdisciplinaire de Formation à la Psychothérapie Relationnelle (CIFPR).

Enfin, je suis responsable du Centre de psychothérapies à Namur, le « 35 ».

Quel est votre fil rouge ?

Mon fil rouge est orienté par l’approche humaniste de l’Analyse bioénergétique et par sa dimension énergétique et émotionnelle. Il s’agit pour moi :

• D’être à l’écoute de chacun, de son vécu et de sa demande de chaque instant.
• D’être attentive à la dimension émotionnelle et énergétique ; faire amener le vécu émotionnel et la tonalité énergétique qui est présente à la conscience.
• De veiller à ce que chacun se sente davantage connecté et uni avec lui(elle)-même ; c’est cela qui amène plus d’authenticité de soi.

Voici quelques-uns des présupposés en lien avec cette approche :

• L’agressivité est une force positive qui nous pousse à rechercher la satisfaction de nos besoins et l’expression de ce à quoi nous aspirons.
• La violence est le résultat de la non-expression de cette agressivité.
• Le couple est un des outils sur le chemin de l’authenticité de soi, dans la mesure où la relation à l’autre permet de rencontrer notre soi, qui nous sommes.

Pour démarrer une thérapie de couple, faut-il que les deux partenaires viennent ensemble ?

Une thérapie de couple présuppose que les partenaires participent aux séances à deux. Dans ce cas, la relation de couple et les difficultés ou souffrances qu’elle entraîne sont abordées directement avec les deux partenaires.

Il est cependant possible de travailler « sur » la relation de couple dans le cadre d’une thérapie individuelle. La psychothérapie offre alors un soutien et une analyse de la part d’action et de responsabilité dans ce que l’on vit pour aider à se dégager de ce qui pose problème.

Il se peut qu’une première séance en couple débouche sur un choix de psychothérapie individuelle pour un ou pour les deux partenaires. Dans le cas où je prends en charge une des ces thérapies, je ne peux plus diriger la psychothérapie de couple. De même je ne peux suivre les deux thérapies individuelles. En effet, c’est dans l’intérêt du patient que je ne cumule pas plusieurs rôles différents en même temps. Nous risquerions d’avoir une relation avec parti pris qui restreindrait notre liberté dans le champ psychothérapeutique.

Comment se déroule le premier rendez-vous ?

Lors d’une thérapie de couple, je vérifie d’abord que les deux partenaires sont prêts à parler de leur vécu en tant que couple. Chacun doit se sentir libre de s’exprimer par rapport à l’autre et par rapport à moi. J’appelle cela la sécurité relationnelle nécessaire pour engager ce travail à deux avec l’aide du psychothérapeute. Les thèmes abordés dans un premier temps concernent le désir d’entreprendre la thérapie de couple :

• Quelles sont les difficultés vécues par chacun qui ont suscité leur démarche de re cherche d’aide ?
• Quels souhaits ou attentes ont-ils chacun par rapport à leur vie de couple ?
• Quels souhaits ou attentes ont-ils chacun par rapport à la psychothérapie ?

A partir de là, nous pourrons oui ou non établir un contrat, c’est à dire un accord et un cadre de travail. S’il s’avère que la psychothérapie de couple est indiquée, nous fixons les objectifs de la psychothérapie, le nombre et/ou la fréquence des séances (en général 1 à 2 fois par mois), les thèmes que les partenaires souhaitent aborder. Le principe de « non-jugement » est à la base de la psychothérapie et implique une écoute active de ce que chacun dit (et des implications).

Un autre point important est l’explication de la méthode de thérapie. Il est en relation directe avec la mise en place du début de la psychothérapie.

L’objectif général est d’aider le couple à trouver des solutions à son mal-être et d’inscrire les changements souhaités dans sa vie. Pour cela, on va mettre à jour les problèmes et les enjeux du couple et les clarifier. De cette clarification, chacun fera émerger des solutions à son niveau personnel et à sa relation avec l’autre.

Concrètement, nous explorons et analysons les faits et vécus rapportés par chacun des partenaires. Je combine cette méthode exploratoire à des « exercices » psycho-corporels de l’Analyse bioénergétique. Ils permettent d’étayer les mécanismes de fonctionnement dans la relation de couple. Chacun reste libre d’accepter ou de refuser une proposition de « travail ». Il n’y a pas de « résultat » à atteindre dans les exercices, ni de jugement sur ce que l’un fait ou pas. Le refus de faire un exercice est aussi intéressant et important à prendre en compte que ce que l’on parvient à réaliser.

A travers ces exercices, les partenaires font des expériences en relation à eux-mêmes et au couple qu’ils forment. Ces exercices sont riches en enseignements par le ressenti et les observations qu’ils sucitent chez chacun (eux et moi-même en tant qu’observatrice externe de la relation). Ils aident aussi à renouer le dialogue d’une manière nouvelle, moins menaçante. De cette manière, ces exercices permettent à chacun de « vivre » ce qui se passe pour lui(elle) et pour l’autre en incluant les émotions présentes, d’« être avec » ses émotions et de les communiquer sans se juger et sans peur d’être jugé par l’autre ou par moi.

Quelles techniques utilisez-vous ?

La méthode de l’analyse bioénergétique est une méthode psychothérapeutique qui prend en compte à la fois :

• Le transfert : nous avons tendance à reproduire avec l’autre ce que nous avons vécu dans notre histoire avec nos parents, et à rejouer ainsi des enjeux qui ont été. importants pour nous, comme le besoin d’exister, le besoin d’être nourri, soigné, le besoin d’être reconnu, le besoin d’être respecté, le besoin d’être aimé.
• La relation : ce que nous avons besoin aujourd’hui et qui se joue dans notre vie aujourd’hui.
• Le corps : les aspects corporels de notre vécu et de nos réactions sont au centre des mécanismes de transfert et de défense par rapport à nos souffrances. Ils sont, à ce titre, une clé importante pour la compréhension de ce qui se passe.

Les exercices corporels permettent de développer des expériences qui vont soutenir l’évolution de chacun des partenaires, et de leur relation. Toutes sortes d’exercices peuvent être proposés en fonction des situations. Voici une liste non exhaustive des ressources qui peuvent être développées avec ces exercices :

• Être plus conscient de soi.
• Être plus connecté à soi.
• Être capable de relâcher ses tensions, c’est à dire ne pas garder le stress en soi.
• S’enraciner dans sa vie. C’est à dire être en relation avec le monde extérieur, et pouvoir l’utiliser comme appui pour se développer, s’enraciner.
• Prendre conscience de la place de chacun dans le couple et de l’un par rapport à l’autre
• S’affirmer : pouvoir dire à l’autre ce qui est important pour soi, ce qu’on a besoin, pouvoir aussi s’opposer à l’autre, sans que cela ne soit un danger.
• Pouvoir être dans l’intimité avec l’autre, l’accueillir en soi.
• Être plus conscient de l’autre.
• Être capable d’écouter l’autre, verbalement mais aussi affectivement.

Mon rôle en tant que psychothérapeute, peut varier en fonction des moments :

• Je peux me trouver dans une attitude neutre d’observation.
• Je peux être soutenante vis-à-vis du couple, c’est à dire aider les partenaires à s’ajuster l’un à l’autre dans l’exercice proposé.
• Je peux encourager l’un d’eux quand il essaie de s’affirmer lors d’un exercice ou d’un échange.
Nous pouvons également partir d’un problème amené par l’un des partenaires et analyser comment chacun le vit au niveau de ses sensations et de ses émotions. Nous pouvons explorer ce ressenti en lui donnant plus de place et de possibilité d’expression. Je peux éventuellement proposer des exercices à partir de ce vécu.
Après chaque exercice, je donne du temps pour assimiler, intégrer, exprimer ce qui s’est vécu de part et d’autre.

Pouvez-vous parler plus concrètement des exercices que vous proposez ?

Les exercices que je propose sont adaptés aux personnes et aux situations. Ils sont tirés d’un ensemble varié d’exercices, provenant de la connaissance et de la pratique de toute un série de techniques corporelles.

Voici quelques exemples de types d’exercices :

• Certains exercices proposent des postures et des respirations qui permettent de mieux sentir ses appuis dans le sol afin de s’enraciner et de développer une sensation de soutien et de force qui est associée à ce vécu de soutien ou d’appui.
• D’autres exercices permettent d’explorer l’appui, le soutien avec le partenaire : comment chacun peut s’appuyer sur l’autre physiquement et comment ces appuis mutuels s’équilibrent ou non de part et d’autre.
• D’autres exercices proposent de se « confronter » au partenaire, afin de développer et d’utiliser son agressivité pour s’affirmer positivement, c’est à dire sans violence et sans rejet ou négation de l’autre en tant que personne.
• Enfin des exercices de contact permettent de découvrir l’autre et de l’accompagner dans la douceur de l’intimité.

L’idée d’apprendre à développer son agressivité peut étonner. Mais cette énergie agressive est essentielle à l’équilibre du couple, pour que chacun puisse trouver sa place. En effet, on ne peut véritablement dire oui à l’autre que si on se sent totalement libre de dire non.

Travaillez-vous les troubles de la sexualité ?

La sexualité fait partie de la vie du couple. Elle n’est pas toujours mise à l’avant-plan dans les demandes de psychothérapie de couple, mais elle est révélatrice de problèmes plus profonds.
Dans la pratique, j’observe souvent qu’un des partenaires est mis en cause dans les problèmes sexuels : il(elle) se désigne ou est « désigné » par le couple ou le partenaire. Dans ce cas, le partenaire « responsable » du problème se tourne le plus souvent (ou est dirigé) vers une thérapie individuelle (médicale, sexologique ou psychothérapeutique) plutôt qu’une thérapie de couple.
Pourtant, la difficulté sexuelle ne peut être véritablement résolue en dehors de la relation de couple. Un dialogue respectueux (sans a priori ni agressivité) et ouvert (sincèrement à l’écoute de l’autre et de soi) ne peut qu’améliorer la sexualité du couple. Le manque de communication joue un rôle important dans les troubles sexuels comme le manque de libido, l’éjaculation précoce, et la frigidité.
Une thérapie en analyse bioénergétique est particulièrement indiquée pour ces difficultés car les exercices corporels et énergétiques visent justement à rétablir un dialogue corporel avec soi et avec l’autre, ainsi qu’à améliorer la circulation de l’énergie vitale, qui nourrit la sexualité. Tant la psychothérapie individuelle que la psychothérapie de couple sont un atout précieux pour résoudre ces difficultés.

Peut-on dire qu’une thérapie de couple est réussie quand les partenaires restent ensemble ?

La thérapie de couple est un outil d’évolution pour le couple et les partenaires qui le constituent. Un de ses buts est de permettre à chacun de devenir davantage conscient de ce qu’il vit, de ce qu’il souhaite et de la qualité du lien qui l’unit à l’autre.
Se confronter à la réalité de son vécu et à celui de l’autre, ainsi qu’aux attentes respectives, peut être douloureux. En tant que partenaire, on peut être amené à faire le deuil de son couple idéal. Ce passage peut conduire vers plus d’authenticité, une meilleure harmonie, une meilleure capacité à vivre l’instant présent, à accepter l’autre tel qu’il est.
Mais il peut aussi résulter que l’un ou les deux ne souhaitent plus s’investir dans le couple. Dans ce cas, chacun doit faire le deuil du couple, assumer la fin de celui-ci et une rupture dans la relation. La thérapie de couple peut aider à surmonter ce processus de deuil et donner à chacun de meilleures chances pour la poursuite de son évolution personnelle. Celui qui trouve la motivation d’entreprendre un travail individuel aura cependant plus de chances d’évoluer.

Que proposez-vous aux couples ou personnes seules pour qui la mise en couple est problématique ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, on peut travailler « sur » sa relation de couple dans le cadre d’une thérapie individuelle. Cela veut dire que le patiente est accompagné(e) dans son vécu et son processus de vie de couple. La psychothérapie analyse la part d’action et de responsabilité dans ce que la personne vit aujourd’hui pour l’aider à se dégager de ce qui lui pose problème.

L’analyse bioénergétique propose des exercices concrets (basés sur le corporel) en plus du partage verbal des problèmes rencontrés. Ces exercices corporels permettent d’avoir davantage conscience de soi-même, de ses émotions. Ils permettent de dénouer les tensions corporelles et les nœuds émotionnels en les exprimant dans la sécurité que permet la relation psychothérapeutique. De cette manière, on se sent plus libre dans ses choix et les actions qui s’imposeront à l’avenir.

Quand la thérapie se termine-t-elle ?

Certaines demandes peuvent être satisfaites très rapidement en quelques séances, dans un travail thérapeutique à court terme. D’autres demandes prennent plus de temps et doivent être ré-évaluées régulièrement.

Tout au long du processus de la psychothérapie, j’invite à faire le point sur les prises de conscience et les changements qui surviennent. Chacun est remis face à ses responsabilités et à son désir de poursuivre ou d’arrêter la psychothérapie, soit de manière régulière, soit après le nombre de séances qui a été convenu au départ. Il se peut que les attentes évoluent, se transforment.

On a bien sûr le droit de terminer la thérapie quand on le souhaite. Si l’un des partenaires ne désire pas continuer le travail, on examine ensemble le chemin parcouru, par chacun et par le couple. On voit quelles attentes ont été ou n’ont pas été rencontrées. Une ou deux séances supplémentaires peuvent être nécessaires pour faire ce bilan et prendre la mesure du sens de l’arrêt de la psychothérapie et de la suite qui va être donnée par chacun. Je peux également faire part de difficultés qui semblent subsister et conseiller éventuellement à l’un des deux de poursuivre une psychothérapie individuelle chez un autre psychothérapeute.